La Banque Centrale du Congo (BCC) a récemment adressé un message fort aux banques commerciales du pays. Elle les interpelle sur les longues files d'attente observées aux guichets et sur la pratique, de plus en plus courante, d'imposer aux clients d'effectuer leurs transactions en devises étrangères, alors qu'ils souhaitent payer ou retirer en francs congolais.
Face à cette situation, la BCC exige que les banques s'approvisionnent directement auprès de l'Institut d'Émission en monnaie nationale et qu'elles prolongent leurs heures d'ouverture afin de mieux servir le public. Une mission de suivi a d'ailleurs été mise en place pour s'assurer que ces directives soient appliquées.
Cette décision intervient dans un contexte de transition à la tête de l'institution, avec la nomination d'André Wameso, nouveau gouverneur de la Banque Centrale du Congo depuis le 23 juillet 2025, succédant à Malangu Kabedi Mbuyi. Il a officiellement pris ses fonctions le 4 août 2025, avec un agenda clair : restaurer la stabilité macroéconomique, lutter contre l'inflation et moderniser le système bancaire congolais.
En interpellant les banques commerciales, la BCC rappelle une évidence souvent négligée : c'est elle, et elle seule, qui détient le pouvoir d'émission monétaire. Son rôle fondamental est de garantir la stabilité du franc congolais (CDF) et de réguler la masse monétaire afin de maintenir la confiance des citoyens dans leur monnaie.
Or, ces derniers mois, la dollarisation de l'économie congolaise a continué de s'étendre. De nombreuses banques, parfois par manque de liquidités en francs congolais, ont pris l'habitude d'imposer l'usage du dollar américain pour les retraits ou les paiements. Cette situation fragilise le franc congolais et limite l'efficacité de la politique monétaire de la BCC.
L'intervention de l'institution vise donc à restaurer la primauté du franc congolais dans les transactions locales. En exigeant que les banques s'approvisionnent en monnaie nationale auprès d'elle, la BCC renforce son rôle d'autorité centrale et affirme sa volonté de reprendre le contrôle de la liquidité dans le système bancaire.
Le nouveau gouverneur, André Wameso, n'est pas un inconnu du milieu économique. Ancien directeur de cabinet adjoint du président Félix Tshisekedi, chargé des questions économiques et financières, il a longtemps piloté des dossiers stratégiques liés à la politique budgétaire, à la gestion des finances publiques et aux relations avec les institutions financières internationales.
Son arrivée à la tête de la BCC traduit la volonté du gouvernement de donner une direction plus proactive à la politique monétaire.
Dès sa prise de fonction, Wameso a fixé trois priorités :
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Assurer la stabilité macroéconomique,
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Renforcer la lutte contre l'inflation,
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Moderniser le système bancaire et les paiements.
L'actuelle mesure d'interpellation des banques s'inscrit directement dans cette feuille de route : rapprocher la monnaie nationale du citoyen, renforcer la discipline bancaire et améliorer la confiance dans le système financier.
Le premier objectif de cette action est clair : réduire la dollarisation de l'économie congolaise. En facilitant l'accès des ménages et entreprises au franc congolais, la BCC espère augmenter la demande pour sa propre monnaie et limiter l'usage systématique du dollar dans les opérations domestiques.
Cela permettrait aussi de renforcer la transmission de la politique monétaire : quand les décisions de la Banque Centrale se reflètent davantage dans les taux d'intérêt et les crédits, la stabilité des prix devient plus atteignable.
L'autre volet de la mesure vise à améliorer la qualité de service. Les longues files d'attente dans les agences bancaires congolaises traduisent un double problème : un manque d'infrastructures et une faible digitalisation. En demandant aux banques d'étendre leurs heures d'ouverture, la BCC envoie un message clair : le service au public est un enjeu de stabilité économique.
Cette pression réglementaire pourrait aussi inciter les banques à accélérer leurs investissements dans les canaux numériques et les systèmes de paiement modernes, déjà amorcés par la BCC dans le cadre de sa réforme du secteur.
Au-delà de la mesure elle-même, c'est la crédibilité de la Banque Centrale qui est en jeu.
Depuis plusieurs années, la BCC tente de renforcer son indépendance et de restaurer la confiance des marchés après une période de forte volatilité du taux de change et de perte de pouvoir d'achat.
En intervenant directement sur le fonctionnement quotidien des banques, l'institution montre qu'elle entend passer d'un rôle passif à un rôle régulateur actif. Cette posture, si elle est bien accompagnée, peut consolider la stabilité monétaire et renforcer la perception de la BCC comme un acteur central du développement économique.
Mais la réussite dépendra de trois éléments clés :
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la capacité de la BCC à approvisionner efficacement les banques en monnaie nationale ;
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la coopération des banques commerciales, qui devront adapter leurs pratiques ;
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et la communication auprès du public, pour expliquer l'intérêt de redonner confiance au franc congolais.
Le projet de modernisation du système financier congolais est déjà bien amorcé : lancement du système de paiement électronique, interconnexion des banques, mise en place d'une plateforme de compensation automatisée.
Mais les défis restent énormes : seulement une fraction de la population est bancarisée, et une grande partie des transactions se fait encore en espèces.
La démarche de la BCC peut donc être vue comme un premier pas vers une bancarisation plus inclusive. En améliorant la disponibilité du franc congolais et en renforçant la confiance dans le système bancaire, l'institution pave la voie à une économie plus formelle, plus traçable et plus intégrée.
C'est aussi une étape clé pour la stabilité des prix et la souveraineté monétaire, deux piliers indispensables à la croissance durable de la RDC.
La décision de la Banque Centrale du Congo de rappeler les banques commerciales à leurs obligations n'est pas un simple geste administratif ; c'est un acte stratégique de souveraineté économique.
Elle réaffirme la place du franc congolais au cœur de l'économie nationale et engage le système bancaire sur la voie d'une meilleure discipline et d'une plus grande transparence.
Sous la direction d'André Wameso, la BCC semble déterminée à renforcer son rôle de gardienne de la stabilité financière et à moderniser le paysage bancaire congolais.
Mais cette réussite dépendra de sa capacité à concilier fermeté et accompagnement, rigueur et pragmatisme.
Si les mesures sont correctement appliquées, elles pourraient marquer le début d'une nouvelle ère de confiance monétaire et de modernisation financière en RDC.
Marco Baratto
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