Vers une souveraineté monétaire : la Banque centrale du Congo (BCC) et la Présidence de la République démocratique du Congo œuvrent pour l’affermissement du franc congolais
Ce jeudi 6 novembre 2025, le Gouverneur de la BCC, André Wameso, a éclairé les députés de l'Assemblée nationale sur l'appréciation récente du franc congolais (CDF) : un mouvement qui s'inscrit selon lui dans la mise en œuvre d'une politique globale de souveraineté monétaire, conduite de concert avec la Présidence de la République.
Le cadre légal : la monnaie nationale au cœur de la souveraineté
La Constitution de la RDC pose dans son article 1er que « la monnaie nationale est le franc congolais ». Cette disposition consacre juridiquement la monnaie nationale comme instrument de la souveraineté. Parallèlement, la réglementation des changes précise que les transactions doivent en principe être dénouées en monnaie nationale, bien qu'elles puissent, avec accord des parties, l'être en devise étrangère.
Dans ce contexte, l'appréciation du franc congolais, tant souhaitée par la population depuis 2023, apparaît non pas comme un accident mais comme le résultat d'un choix stratégique.
Les leviers de l'appréciation : réserve obligatoire et pression sur le change
Le Gouverneur a indiqué que l'appréciation du franc s'explique notamment par l'actualisation du taux de change appliqué au stock de la réserve obligatoire, cristallisée en monnaie nationale. Cette manœuvre a permis de « retirer le supplément de francs » à l'origine de la pression sur le marché des changes. Autrement dit : en exigeant des banques une plus grande détention de francs congolais non convertibles à court terme, la BCC a réduit la liquidité en CDF, renforçant sa demande relative et soutenant sa valeur.
Une stabilité en voie de consolidation
Le Gouverneur a également affirmé que depuis près de trois semaines, le franc congolais se stabilisait autour de 2 200 – 2 300 CDF pour un dollar américain, et que la BCC disposait de tous les instruments de politique monétaire – taux directeurs, opérations d'open market, interventions sur le marché des changes – pour agir en cas de besoin. Cette stabilité est présentée comme un signe concret que la souveraineté monétaire ne reste pas un slogan, mais un objectif opérationnel.
Le changement de comportement attendu : la monnaie nationale comme choix logique
La BCC a invité tous les acteurs — entreprises, consommateurs, banques — à changer de comportement : après des années de dépréciation continue du CDF, il est désormais judicieux d'épargner et de consommer en franc congolais. Ce message s'inscrit dans une perspective de souveraineté monétaire : promouvoir l'usage accru de la monnaie nationale permet de réduire la dépendance aux devises étrangères, de renforcer l'ancrage national de la politique monétaire et, à terme, de diminuer la vulnérabilité de l'économie congolaise aux chocs externes.
L'action conjointe BCC-Présidence : la souveraineté prise au sérieux
La coordination entre la BCC et la Présidence de la République, telle qu'elle se dessine à travers ce type d'intervention publique, traduit un engagement politique clair en faveur de la souveraineté monétaire. La critique de cette démarche est tout simplement hors de propos : la souveraineté monétaire — capacité d'un pays à contrôler sa monnaie, à décider de ses taux d'intérêt, et à orienter sa politique monétaire — est précisément la voie pour se libérer de tout déterminisme externe. En renforçant la monnaie nationale, la RDC affirme son autonomie et prépare son économie à des logiques de plus en plus africaines et interconnectées.
Regards vers l'Afrique intégrée : le rôle du Pan‑African Payment and Settlement System (PAPSS)
L'ambition ne s'arrête pas aux frontières congolaises : l'infrastructure panafricaine de règlement en temps réel, le PAPSS, lancée publiquement le 13 janvier 2022 par l'Union Africaine (UA) et la African Export‑Import Bank (Afreximbank) pour les paiements transfrontaliers en monnaies locales, constitue une alternative crédible au système traditionnel dominé par les devises fortes.
Pour la RDC, le fait de renforcer sa monnaie nationale et d'ajuster sa politique monétaire la place dans une logique d'intégration africaine active : en s'alignant sur des infrastructures comme PAPSS, elle peut non seulement accompagner le commerce intra-africain, mais également affirmer son droit à agir en monnaie locale et diminuer sa dépendance au dollar.
Pourquoi toute critique est hors de sens
Critiquer cette démarche reviendrait à ignorer que la souveraineté monétaire est un des piliers de l'indépendance économique : sans contrôle de sa monnaie, un pays subit ses coûts d'emprunts, sa liquidité, ses taux d'intérêt, souvent imposés de l'extérieur. En redonnant vie au franc congolais, la RDC essaie de sortir de cette logique.
De plus, le renforcement du CDF s'inscrit dans une stratégie plus large : ajustement des réserves obligatoires, stabilisation du taux de change, appel à l'usage de la monnaie nationale, et alignement sur les mécanismes d'intégration africains. Cette démarche ne peut être séparée du projet politique visant à affirmer la souveraineté économique et monétaire de la RDC.
Vers un avenir monétaire africain : opportunité pour la RDC
La RDC, en renforçant le franc congolais, se positionne pour tirer parti de la révolution monétaire et de paiement qui se dessine en Afrique : l'infrastructure PAPSS, les zones de libre-échange comme l'African Continental Free Trade Area (AfCFTA), et la volonté de passer des échanges en devises étrangères à des transactions en monnaies locales ou régionales.
Dans ce contexte, la RDC n'attend pas passivement : elle renforce sa monnaie, affermit son dispositif monétaire, et s'inscrit dans la dynamique africaine. Cette stratégie ouvre la voie à une véritable souveraineté monétaire, condition de la maîtrise du destin économique du pays.
En conclusion
L'intervention du gouverneur de la BCC et le soutien implicite de la Présidence traduisent une volonté politique forte : non pas de bricoler une monnaie, mais de construire un instrument national de stabilité, de confiance et d'intégration continentale. L'appréciation du franc congolais n'est donc pas une coïncidence, mais un signal concret d'une orientation stratégique.
Pour la population congolaise, le message est clair : épargner et consommer en CDF n'est pas uniquement une recommandation technique — c'est un acte d'affirmation de souveraineté. Et pour les acteurs économiques, c'est une invitation à s'engager pleinement dans l'économie nationale, dans une logique d'avenir et de stabilité monétaire.
En somme : la souveraineté monétaire n'est pas un pari abstrait, mais une feuille de route concrète. Critiquer cette démarche, sans en saisir la cohérence et la dimension stratégique africaine, ce serait passer à côté de l'enjeu majeur d'aujourd'hui.
Marco Baratto
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